Jan Škrob

Réel brut

2018 | Malvern

face au mur

 

notre avenir a été

ravagé d’avance

 

il fait presque noir dans un coin

se tient une femme un peu plus jeune

avec un poignard

face au mur

tatouée tendue

pieds nus en robe rouge

au-dessus du genou dès que

tu entres elle se retourne elle a

les yeux noirs elle dit notre

présent

est une trahison

tu remarques qu’elle pleure il fait

presque noir dans un coin se tient

sur la pointe des pieds

une femme un peu plus jeune

face au mur

tatouée tendue

pieds nus en robe bleue

au-dessus du genou dès que tu entres

elle se tourne elle a les yeux bleus

elle dit je commence et

je continuerai jusqu’à la mort tu la vois

sourire

il fait presque noir

tu te tiens près de la fenêtre

dehors le blizzard fait rage

 

tu ne dors pas de la nuit

tu samples la neige

ce coton blanc

 

 

 

la main gauche de l’obscurité

 

encore une fois tout

autrement je saute du train

la nuit est pure

douze onze

il neige encore

tout soit l’un soit l’autre

dix neuf huit j’ajoute

une carte encore une fois tout tout sept

six oui une chambre d’hôtel

cuba libre guitares évangile

à l’écran l’étoile du berger

oui cinq quatre login mot de passe

 

encore une fois tout autrement

je saute encore une fois du train sous une nouvelle

identité un nouveau rythme

un nouvel hypakoë

 

 

 

passion du christ

 

samedi matin ville de l’unique

instant au buffet de la gare

tu laisses un peu

de thé par la vitre tu aperçois les épaules

de la femme qui est de notre côté

le dernier train approche tu enfiles

ton manteau sur les réseaux les nouvelles

défilent les œufs de dragon nous les passons dit-on

en contrebande depuis les îles grecques nous sommes dit-on

contre l’amour

 

dans ta poche tes doigts sentent un coupe-papier

tu passes rapidement près des militaires en faction

 

l’après-midi tu descends dans la ville aux étendards

tu vas prendre un kebab

tu pries tu remues les lèvres imperceptiblement

dehors tu voles

un cheval tu as un rendez-vous important

avec un ange blanc danseur quelle est

la différence entre

l’ordre et le chaos tu me demandes

dans ton dernier mail il y a tant de questions

dépourvues de sens

 

dans le fracas des trains je te vois d’ici

t’allumer une

cigarette sur le quai ta correspondance est en

retard une fois de plus

 

le printemps a émergé comme un

poisson rouge d’une rivière là-bas d’où

nous sommes là-bas d’où nous venons

 

la femme qui est de notre

côté réapparaît dans la ville

à la soupe de chou-fleur elle tente

de se glisser dans un casier à la consigne

tu passes tu fais

un signe secret personne ne

remarque rien les militaires regardent

la télé on joue un match important

 

 

 

les bûchers

 

il ne se passe pas une journée sans qu’ils

n’exécutent quelqu’un en pleine

rue l’uniforme bleu signifie

la mort en passant surveille

tes arrières mais n’aie pas peur car

sinon tu seras vaincu par bélial

 

lorsqu’on t’a retrouvé la première fois dans ce désert

de glace on t’a dit

d’aimer le moindre mal comme toi-même

de te laisser caresser la nuque

du dos de la lame n’aie pas peur même s’ils

ont des yeux de serpent marche ne ralentis pas

 

fais comme si tu ne savais pas ce qu’ils veulent comme si

tu ne comprenais pas leurs paroles

 

marche ne ralentis pas n’aie pas peur

de lancer un cri un éclair

de planter ta cuiller dans le circuit

imprimé le

moment venu tu es

plus fort qu’eux n’aie pas peur de rester sur

la route il ne se passe pas une journée sans qu’ils

n’attirent à eux quelqu’un même

toi ils ont

failli t’avoir tu marches

dans la rue d’une ville où

personne ne brise les vitres tu es

comme dans un demi-sommeil surveille

tes arrières mais n’aie pas peur

 

il ne se passe pas une journée

sans qu’ils ne vendent quelqu’un tu continues de marcher

sur une plaine qui attend encore

son passé tu vois

un sanctuaire les noms d’anciens héros

il paraît qu’on n’a pas le droit de parler de toucher

les autels d’or marche pose doucement les pieds prends

un marteau ou un pinceau et de la peinture

 

la première tâche consiste

à se débarrasser de tout ce qui nous empêche

de voir la lumière

 

la seconde tâche consiste à déclarer

la guerre à la mort

 

ils disent que personne n’a encore inventé

un monde meilleur alors

marche ne ralentis pas n’oublie pas

d’observer les points de force prie aux

endroits importants

ils t’attendent ils veulent

te briser ils disent que personne n’a encore

inventé un monde meilleur ils ont

des yeux de serpent

tu marches dans la rue d’une ville où

ça sent l’essence les gens

allument des bûchers ils ont peur

du moindre mouvement

 

mets dans tes cheveux

de la peinture rouge ce sera

le signe

 

 

 

cartographie 1

 

il y a des choses que tu n’atteins

à coups de clics qu’en y mettant toute ta

force oui je reviens vers

le début mais ce n’est que maintenant que

tout s’éclaire

 

les sujets dont on

ne parle pas les nouvelles

codées de retour

au début

 

il suffit d’un petit changement

d’une légère éraflure déplacer

une chaise dans une autre pièce ou

quand il se remet à

pleuvoir dehors il suffit d’avoir une fois

laissé la fenêtre ouverte il suffit d’essayer

de respirer un peu différemment il suffit

de se taire quelques instants et tout de suite il faut redessiner

les cartes des trois mondes sur les feuilles j’interviens

avec un feutre vert je plonge les mains

dans la terre j’ai besoin de descendre

sous la surface de clarifier les choses

de crier ma

révolution n’est pas de ce monde

on ne peut lutter contre le capitalisme

que la prière

aux lèvres mais dis-le comment elle sera demande-lui

d’arriver je plonge les mains dans la terre il poussera quoi

si je plante une épine il poussera

quoi si je plante un os d’agneau

dans quelques jours c’est le début des festivals à cette période

je prépare déjà mon

histoire je plonge les mains dans la terre j’ai besoin

de descendre sous la surface de clarifier les choses d’enjamber

une rivière quelque chose de me souvenir de la

miséricorde divine

chaque point cardinal a

ses animaux et ses couleurs je suis fatigué

du siècle des lumières des cravates trop serrées surtout

de beaucoup parler et de faire comme si

on savait je suis fatigué du siècle des lumières des immeubles

froids des quadrillages symétriques

 

il y a des choses que tu n’atteins

à coups de clics qu’en y

mettant toute ta force

 

je prépare mon

histoire mes coordonnées

 

mes coups autrefois je croyais

qu’il suffisait de choisir le rouge ou le bleu

 

on peut faire autrement il y a

des eaux souterraines des clés de rechange

une lame de rasoir cachée dans un gant blanc trick or

treat clairement descendre

sous la surface clairement

voir toutes les fibres autrefois je croyais qu’il

fallait tout faire

correctement comme en allemagne surtout ne pas

éclater de rire au mauvais

moment autrefois je croyais que tout

irait mieux avec des meilleures règles de meilleurs

raccourcis clavier de meilleures listes

on peut faire autrement

je plonge les mains dans la terre il poussera quoi si

je plante une vieille pièce de monnaie il faut tout de suite

redessiner les cartes

 

des trois mondes

 

 

 

dublin

 

l’heure est venue d’attaquer les cordes

enfin quelqu’un l’a dit tout haut appelons

les choses par leur nom deux personnes

se sont croisées au bord de la mer l’une maintient

la tête de l’autre sous l’eau

dernières paroles enterrez

mon cœur dans les docks de dublin

autres dernières paroles

enterrez mon cœur derrière

ce fil barbelé

l’obscurité se fraye un chemin jusqu’à la surface enfin quelqu’un

l’a dit tout haut appelons les choses par leur nom

dans les docks de dublin il y a des grues qui travaillent

l’ouvrier du port pense à la mort

et après le boulot deux

trois bière avec vue sur

la surface aujourd’hui menaçante demain sans doute plus tendre

appelons les choses par leur nom cauchemar

l’autre personne te maintient la tête sous l’eau

elle mesure le temps autre cauchemar

un paysage couvert de bruyère et de barbelés partout

du fil barbelé partout tu n’iras nulle part

tu tues un mouton d’un coup de pierre tranchante

il te reste encore enfin quelqu’un l’a dit tout haut

liberté de pensée danses folkloriques deux trois bières avec vue

l’heure est venue la mer ne respire pas sur la porte

quelqu’un t’a écrit un message venimeux

 

 

 

les jours les plus courts de l’année

 

c’est une onde de choc une opération

clandestine en chambre on parle justement de

systèmes régimes il y a même

des centaures des fées des lutins et quelques réplicants je suis assis

sur le rebord de la fenêtre je bois un cuba libre ce sera

la fin du monde tel que nous le connaissons et

c’est bien comme ça nous nous coupons

la parole c’est une maison rouge une alerte

rouge une pilule rouge une chambre dans la pénombre

des sons effrayants venus d’en bas

des tracts rouges des lampes

de lave sur les murs des affiches de halle berry

tout porte à croire qu’il est trop tard

et les arbres dehors

se dressent nus tout de même mais nous

envoyons des messages un autre monde est possible

au lieu d’une signature toujours notre

code secret j’ai entendu dire que l’espoir

est dangereux et aucun

changement n’est pour le mieux mais nous

nous cabrons c’est

une onde de choc c’est la vie dans le sens

de la victoire sur la mort c’est

une maison rouge une alerte rouge un carton

rouge j’ai entendu dire que

j’étais un extrémiste et c’est bien comme ça je suis assis

sur le rebord de la fenêtre je bois un cuba libre je parle de

la présence de dieu dans le corps même

 

ce sont les

jours les plus courts de l’année

nous nous retrouvons dans l’obscurité et

un froid pénétrant nous allumons la télé

pour qu’on n’entende pas du palier de quoi

nous parlons nous nous coupons la parole

les jours les plus courts de l’année la meilleure

boisson la pratique la plus claire

 

je ne suis qu’un homme au

bord d’un ravin je suis un nom

au bord d’une page j’imagine

que je tombe dans l’eau et coule au fond

ou au contraire

que je monte vers le soleil il est couleur

de brique ou de sang comme une maison rouge

une alerte rouge une pilule rouge j’ouvre

les yeux je suis assis sur le rebord d’une fenêtre je bois

un cuba libre il y a des instants où

la haute trahison est la meilleure

chose à faire je dis de parti pris nous nous coupons

la parole je touche le radiateur

il est froid comme toute notre ville

nos traces

dans la neige forment des cercles notre

code secret nous nous coupons la parole

des chambres de conspirateurs des lampes de lave

sur les murs des affiches de halle berry tout

porte à croire qu’il est trop tard mais

nous n’abandonnons jamais chacun

a dans le cœur le plan d’un chemin de croix chacun

au plus profond

désire la vie

dans le sens d’un franchissement de l’ombre notre ville tout entière est

une zone en guerre et c’est pourquoi nous restons

j’ouvre les yeux une maison rouge une alerte rouge

un fil rouge

 

ce sont les jours les plus courts

de l’année nous nous retrouvons

dans l’obscurité et un froid pénétrant

nous allumons la télé pour qu’on n’entende

pas du palier de quoi nous parlons

nous nous coupons la parole

les jours

les plus cours de l’année les plus belles

aurores boréales

 

il faut que tu fasses

un pas de côté

 

 

 

altaï

 

je n’avais jamais réalisé combien j’avais

de vies sexe forêts et vidéo montagnes

et amour last minute paroles

loups et renards montagnes cartes mon dieu tu sais

tout ce qu’il nous reste encore à surmonter

à supporter à

endurer le vent m’empêche presque de bouger mon dieu

tu sais à quel point ça fait mal quand

tu ralentis c’est le matin il fait presque encore nuit moi

shadow sous un masque de cuir je découpe

des trous dans la glace tu n’échapperas pas au froid le vent

m’empêche presque je cherche une chambre

indépendante et non traversante à la montagne je cherche

du travail je cherche au moins

un bout de chemin je cherche des perles des plumes

le vent m’étouffe presque je n’avais jamais

réalisé combien j’avais de

frustrations de fait sur l’autre

rive de notre sœur rivière pour l’instant la plus jeune

sœur sorcière prépare un bhang le vent dicte

mon dieu tu sais je pense à la plus haute

montagne aux horizons moi névrosé

l’après-midi j’affûte une hache je cherche

une chambre indépendante et non traversante

je cherche la vérité je cherche

ce que je peux la porte noire est close mon dieu

tu sais tout ce qui sera dans le vent

je me perds à moi-même la rivière

louve dort c’est le matin il fait froid tu n’oublieras

pas le froid

 

j’irai où tu iras je resterai

où tu resteras et

tant que tu n’arrêteras pas de monter les marches

n’arrêteront pas non plus

je pense tu penses

nous pensons à nous-mêmes

 

hier soir le vent a arraché un volet c’est le matin

il fait presque encore nuit moi tireur picabia je marche

dans la chambre pour me réchauffer mon dieu tu sais

comme il est parfois difficile de penser à toi comme le froid

est parfois cruel que le vent

m’étouffe presque je ne peux pas parler je tombe dans

la neige mon dieu tu sais je cherche une chambre

indépendante et non traversante sans blizzard sans

pierres tranchantes au fond je cherche la foi l’espérance la forêt

je cherche un miroir pour

pouvoir m’assurer que je suis bien moi pour

sentir si c’est bien toi je cherche un bout de métal

les possibilités du dialogue slash du conflit

ma génération est pleine à craquer mon dieu tu

sais à quel point ça fait mal

 

Traduction de travail Benoît Meunier