Sois fier toi
qui a tenu bon
qui n’a souillé ni ta bouche ni ta poitrine de paroles fallacieuses.
Tel était mon peuple
à la faucille et au marteau.
De l’aube il attendait la lueur
il attendait, confiant.
Il récoltera lui-même ses fruits nouveaux, lui-même, avec les siens.
Faites lui place !
Il construit la cathédrale
d’une époque fraternelle.

Stanislav Kostka Neumann (1875-1947)

 

Après des débuts décadentistes et modernistes, à la fin du XIXe siècle, S. K. Neumann s’oriente de plus en plus vers le communisme révolutionnaire. Auteur de l’Anti-Gide. L’optimisme sans superstition ni illusion (1937), rédigé en réponse au Voyage en URSS de Gide, il est érigé en modèle absolu de la poésie réaliste socialiste tchèque dès sa mort.
Le poème présenté ici est l’un des poèmes phares des recueils édités pour les écoliers tchécoslovaques, que ce soit dans les années 1950 ou dans les années 1970.

 

1. Comment Olinka était morte.

Hier, c’était un jour important. Hier, les haut-parleurs de l’école ont diffusé un beau poème qui parlait d’un monsieur. Ce monsieur s’appelait Soafi Hertwa, il était très courageux, il tenait bon, même quand il avait toutes sortes de difficultés. Moi aussi, j’ai des difficultés, surtout parce que je suis grosse et tout le monde se moque de moi. Mais hier, je me suis dit que je ne me laisserai pas faire, que je serai comme ce Soafi Hertwa et que je tiendrai bon.

Autrement, hier, il m’est arrivé quelque chose de fort déplaisant. Oui, c’est comme ça que dit le directeur du théâtre : « fort déplaisant », et lui, je le connais parce que maman est actrice au théâtre et papa aussi. Le directeur, quand il veut dire aux acteurs que quelque chose ne va pas, ou quelque chose comme ça, il dit : « Camarades, c’est fort déplaisant… ». En fait, je ne l’aime pas trop parce qu’il ressemble à une tête de mort qui sourit. Les têtes de mort et les squelettes, c’est ce qui me fait le plus peur. J’ai assez peur des démons aussi, et puis des chiens, parce qu’il y en a un qui m’a mordue à la jambe un jour, mais c’était à Zákopy, chez grand-père et grand-mère. Mais « fort déplaisant », ça me plaît et c’est comme ça que ça se dit.

Hier, quand nous sommes arrivés à l’école, madame Koláčková, la maîtresse, nous a dit… en fait, ce n’était pas quand nous sommes arrivés, mais quand l’école a fini… donc elle nous a dit de rester assis encore un instant en silence parce qu’elle avait quelque chose à nous annoncer. Et elle était tellement sérieuse que, justement, je me suis dit que ce serait quelque chose de fort déplaisant. Comme la fois où elle nous a dit, il n’y a pas longtemps, qu’elle avait quelque chose à nous dire et qu’elle a appelé Hrůza au tableau pour lui donner un esquimau, Hrůza faisait une drôle de tête, mais en fait il fait toujours une drôle de tête, vraiment. Ensuite, elle a dit : « Les enfants, votre camarade Láďa Hrůza va nous quitter pour aller dans une école spécialisée, alors applaudissons-le bien fort. »

Et hier, elle nous a dit : « Les enfants… Il s’est passé quelque chose de très triste. Votre camarade Olinka Hlubinová est morte parce qu’elle était malade… du cœur. » Alors tout le monde a sursauté d’effroi et puis nous sommes tous partis. Et moi, maintenant, je n’arrête pas d’y penser.

Olinka n’est pas du CE1a comme moi, elle est du CE1b, mais quand même… Elle a des cheveux courts, noirs et elle dessine terriblement bien. En fait, je ne la connais pas beaucoup, mais la maîtresse nous a montré ses dessins souvent, parce qu’ils sont beaux. Maintenant, elle est morte, alors je ne la verrai sans doute plus, mais la maîtresse peut toujours nous montrer ses dessins sans problème. C’est plutôt bizarre.

A la maison, je le leur ai tout de suite raconté et j’ai demandé comment ça se fait qu’elle soit morte puisque c’est une petite fille, parce que je sais déjà que quand on meurt on ne revient plus à la maison, ni nulle part, mais c’est surtout quand on est vieux. Et j’ai demandé aussi ce que c’était qu’elle avait, du cœur, et il paraît que le cœur, c’est la pire des maladies. Quand quelqu’un a du cœur, on est presque sûr qu’il va mourir. Après, maman m’a donné deux biscuits, sûrement parce que j’avais un air de chien battu. Alors je suis contente et en même temps je suis toujours triste.

Avant les vacances, ça m’était arrivé aussi. J’étais contente parce que j’avais eu une bonne note au contrôle de fin d’année et que, du coup, on est allé manger un gâteau. Autrement je n’ai pas droit aux gâteaux parce que je suis grosse, alors j’étais contente, et aussi parce que c’était les vacances, mais j’étais triste parce qu’on nous avait dit que madame Olga Jeřábková, notre monitrice des activités après la classe, était morte. Mais elle, elle s’est mourue toute seule. Elle s’est empoisonnée avec du gaz et elle a explosé, alors la maison où elle habitait a explosé et d’autres gens sont morts aussi. Je ne sais pas pourquoi elle a fait ça, moi, elle était gentille, joyeuse et puis je l’aimais bien, elle m’avait protégée quand j’avais mordu la main de Zdenka. Je ne voulais pas me mettre en rang par deux avec elle pour aller à la cantine et elle ne voulait pas le comprendre. Après j’ai eu peur de ce que me ferait sa maman, madame Klímová quand elle viendrait la chercher et qu’elle verrait la morsure à sa main. Madame Klímová, elle aussi, elle est maîtresse chez nous, mais elle enseigne le russe aux grands. Alors Zdena pleurait et moi j’ai préféré me cacher sous la table. Je pleurais aussi, jusqu’à ce que madame la monitrice me prenne avec elle.

Sauf que Kačenka, c’est comme ça que j’appelle ma maman, Kačenka non plus ne savait pas pourquoi elle a fait ça.

Après, dans la cuisine, elle a dit à papa que c’était certainement ces salauds qui l’avaient poussée à bout. Elle voulait sûrement dire les Russes ou les communistes, parce que les Russes et les communistes sont des salauds, mais on n’a pas le droit de le dire. Sauf que Kačenka et Andrea Kroupová, elles n’arrêtent pas de le dire et elles chantent la chanson Sonnez sonnez Lénine, le serf est à l’orée, c’est une chanson de chasse contre les Russes. Et Kačenka ne veut pas que j’aille chez les éclaireurs, parce qu’elle dit que les éclaireurs et les pionniers sont de petits communistes. Moi, je n’en sais rien… Toute ma classe y va et j’aimerais bien y aller aussi. Je vais déjà au cours d’allemand, au cours de dessin et au ballet, parce que je suis grosse et que je dois faire de l’exercice. Mais j’aimerais bien aller chez les éclaireurs aussi.

Personne ne va au cours d’allemand à part moi. Je vais chez madame Freimanová qui était maîtresse à l’école l’an dernier, après elle est partie à la retraite ou je ne sais pas quoi. Elle a arrêté d’aller à l’école et maintenant elle enseigne chez elle, rien que pour moi.

(…)

 

8. Comment on a déterré des partisans.

Pepa et Kačenka m’ont autorisée à aller chez les éclaireurs ! D’abord, ils se sont enfermés dans la cuisine et ils se sont crié dessus pour savoir ce qui était ou n’était pas la peine. Après, ils m’ont laissée entrer, ils sont partis, ils ont fait claquer les portes. À la fin, ils sont revenus et ils ont dit que, si je le voulais, je pouvais y aller. Kačenka m’avait l’air d’avoir pleuré et elle parlait assez mal.

Elle fait souvent ça, ces derniers temps, elle pleure et elle jure. Mais moi, je pense que les éclaireurs, c’est pas merdique et que ça va être super !

Notre unité s’appelle les Joyeux Lumignons. Notre cheftaine s’appelle mademoiselle Anděla et elle va déjà au lycée.

J’étais avec eux pour la première excursion et j’en suis très fière parce qu’ils m’ont autorisée à écrire la chronique et, surtout, à faire les dessins. Ce chapitre s’appelle Sur les traces des Partisans, mais c’est juste pour le titre, parce qu’en réalité, les partisans faisaient très attention à ne pas laisser de traces. On l’a sûrement appelé comme ça parce que notre action aussi s’appelait comme ça. Les actions, c’est le nom qu’on donne aux excursions et à tout ce qu’on fait avec les éclaireurs. Cette excursion, c’était notre action pour le 9 mai, jour où l’Union soviétique avec les partisans et les communistes ont libéré notre patrie des Allemands, parce qu’à l’époque, les Russes étaient gentils. Je pense que Soafi Hertwa a dû les aider aussi, parce qu’on récite tout le temps des poèmes sur lui.

Pas loin de Ničín, il y a un village qui s’appelle Toužim1Littéralement « Je désire ». N.D.T. et à côté, une colline, Palice2Jeu de mots : « s’y brûler ». N.D.T., où il y a eu les derniers coups de feu de la deuxième guerre mondiale. C’est pour ça que sur Palice se trouve un grand monument et que c’est là qu’on fait presque toutes les actions à Ničín. C’est justement là qu’on est allés en excursion.

On est passé par des champs et des forêts qui, avant, étaient pleins de partisans et de fascistes. Les partisans habitaient dans des zemlianky, ce sont des trous dans la terre qui ont été inventés en Union soviétique. Quand les Allemands fusillaient un partisan, alors les autres partisans creusaient dans la forêt. Ils ne lui faisaient pas de tombe, au contraire. Ils sautaient sur la glaise, ils la piétinaient et par-dessus, ils mettaient de la mousse et des pommes de pin pour que les Allemands ne trouvent rien. Encore que… je ne sais pas pourquoi, s’ils étaient morts, de toutes façons… mais c’est comme ça que ça se passait, Vladimír nous l’a raconté en chemin. Vladimír n’est pas notre chef, mais un monsieur qu’a fait venir Anděla pour cette excursion, elle nous a dit que c’était un spécialiste des partisans. Il ressemblait complètement au petit Jésus quand il était déjà vieux et il avait exactement la même mine renfrognée. Il n’avait pas du tout l’air d’avoir envie de nous raconter quelque chose sur les partisans. Quand Lenka Krátká lui a demandé : « Camarade Vladimír, bien vrai que vous vous appelez comme ça à cause de Lénine ? », il lui a dit : « C’est bien possible, mes parents ne me voulaient pas trop, camarade petite fille. » Et il s’est encore plus renfrogné.

Mais Anděla l’a attiré derrière un arbre et elle lui a expliqué quelque chose en agitant les mains. Quand ils sont revenus, il faisait vraiment une autre tête et quand on a fait le feu de camp pour griller des saucisses, il a sorti une bière de sa gibecière et il s’est enfin mis à nous parler de la vie des partisans.

C’était très intéressant et plein d’aventures, sauf que quelque chose me chiffonnait : comment est-ce qu’ils avaient pu se cacher et lutter contre les Allemands pendant toute la guerre dans les forêts qui entourent Ničín alors qu’elles sont si clairsemées et si petites qu’on a l’impression à chaque pas qu’on va arriver au bout ? Mais Vladimír m’a expliqué que, d’abord, ils avaient plein de zemlianky et ensuite, les partisans de Ničín étaient d’une sorte très particulière. Ils étaient tout petits et très agiles, alors ils savaient courir en zigzag incroyablement vite et puis grimper aux arbres. Mais comme ils étaient soumis à de mauvaises conditions, beaucoup sont tombés. C’est pour ça qu’autour de Ničín il y en a plein qui sont enterrés.

On regardait le feu s’éteindre et personne ne disait plus rien. Je pense que tout le monde commençait à avoir un peu peur. Moi, en tous cas, c’est sûr. Vladimír a fini sa bière, il s’est levé et il nous a montré un endroit entre les arbres en disant : « Hé ! Vous voyez, là ? Ce gros tas de pommes de pin ? Ça ne vous semble pas suspect ? À moi, si… Et ce creux, là ? Celui qui est tout allongé et couvert de mousse… Il est un peu bizarre, non ? Ecoutez-moi bien. À mon avis, vous avez déjà idée de ce qui peut bien être caché là-bas. Alors je vais vous proposer quelque chose. Vous êtes… deux, quatre, six… Vous allez faire deux compagnies de trois, vous allez prendre vos couteaux de poche et des bâtons et puis vous allez explorer ces deux endroits sinistres. Si mon instinct de spécialiste ne me trompe pas… Mais je ne veux pas vous faire peur. Vous voyez ce couteau ? » Il a sorti de je ne sais où un coutelas incroyablement long. « Je l’ai gardé en souvenir de l’un de ceux que j’ai déterré l’an dernier par ici. À l’époque, tous les journaux en ont parlé. Alors, allez-y, maintenant. Si vous n’avez pas peur, bien sûr…

– Nous n’avons pas peur », a chuchoté Secký, à qui un zéro de conduite pend toujours au nez. Les autres, nous, on n’a rien dit. « Parfait ! » a dit Vladimír et puis il a passé son bras autour des épaules d’Anděla. « Pendant ce temps, Anděla et moi, nous allons voir un peu plus loin dans la forêt s’il y en a d’autres. Nous reviendrons vous dire dans une demie heure. S’il y a quelque chose, criez. »

Anděla n’avait pas l’air vraiment ravi, elle essayait de le dissuader, mais Vladimír la tirait derrière lui en nous criant : « Vous voyez les enfants ? Même votre camarade cheftaine a peur. Il n’y a pas de quoi avoir honte. L’essentiel, c’est de savoir dépasser sa peur. » Anděla s’est retournée encore quelques fois et puis ils ont disparu tous les deux. Alors, finalement, elle n’était pas si clairsemée que ça, cette forêt…

On était tout juste trois garçons et trois filles. Bien sûr, les garçons ont dit qu’ils allaient se mettre ensemble et que nous, on n’avait qu’à faire une compagnie de filles. Ils se sont accaparés le tas de pommes de pin.

On a commencé à gratter. Je pensais à l’anniversaire de Pepa, qui était ce jour-là, et à la fête qu’il y aurait le soir. Je m’inquiétais aussi parce que je ne savais pas si j’arriverais à lui acheter un cadeau, si les magasins ne seraient pas fermés quand on serait de retour à Ničín. Surtout la droguerie. Mais j’avais tout le temps des drôles de palpitations dans les poignets et à la tête. Après, je me suis rappelée qu’il y aurait du gâteau le soir et que, exceptionnellement, j’aurai le droit d’en prendre et peut-être même qu’il y en aurait au petit déjeuner. Ça m’a un peu aidée de penser à ça.

« Mon Dieu ! Une jambe ! »

C’est Secký qui avait hurlé. Mon couteau m’est tombé des mains. Zdena s’est mise à brailler et Krátká s’est effondrée comme si on lui avait tapé derrière le genou. Secký s’est mis à ricaner et il sautillait tellement il était content. « Oh, le con ! » ont crié les garçons, mais ils étaient contents aussi.

Krátká était fâchée, elle s’est assise un peu plus loin sur la mousse, a sortie une gaufrette Tatranka et elle a dit qu’elle laissait tomber.

« Je vais le dire », elle a dit. « Je vais le dire à maman. De toutes façons, ce type est bizarre et s’il y a des partisans ici, la Sécurité d’état n’a qu’à les trouver. »

Du coup, de notre compagnie, il n’y avait plus que Zdena et moi qui creusaient. On avait déjà fait un trou assez grand et on était toute sales.

Secký chantait : « Lenka Krátká ! Tralala ! Elle a eu les foies ! » Je n’ai pas pu m’empêcher de rire, même si je sais ce que c’est quand tout le monde se moque. Alors que Lenka… elle… c’est pas sûr…

Soudain, je suis tombée sur quelque chose de dur. Je pensais que c’était un caillou, mais même après avoir gratté le plus possible autour des bords, ça ne voulait pas sortir. C’était toujours tout enfoncé. « Zdena ! j’ai dit, avec la même voix que quand j’ai une angine. Viens m’aider ! »

J’avais de nouveau des pulsations sur tout le corps. On a fini par le faire bouger.

« Les garçons ! Anděla ! À l’aide ! »

Tout le monde est arrivé en courant et on était ébahis devant cette chose. C’était un os. Long et gros. C’était un partisan !

« La vache ! » a dit Secký.

Zdena n’arrêtait pas de crier. Entre les arbres, on a vu Vladimír apparaître et un instant après, Anděla aussi. Mais elle marchait lentement et elle titubait bizarrement. Quand elle s’est approchée, on a vu qu’elle tenait à la main ses énormes lunettes, cassées. Elle était toute décoiffée aussi. Elle avait l’air bizarre. On a expliqué ce qu’il s’était passé et on a montré le partisan à Vladimír. Mais Vladimír nous a déçu. Il a dit que c’était une affaire sérieuse et aussi qu’il était assez tard, alors qu’on allait de nouveau bien enterrer cet os et que lui, Vladimír, il irait annoncer cette découverte à la sécurité d’état de Ničín. Il parlait presque comme Krátká juste avant et j’avais l’impression qu’il s’en fichait complètement.

« Alors, nobles gens, il a dit, maintenant, allons tous directement à l’autobus parce qu’Anděla s’est couch.. a marché sur ses lunettes et elle ne peut pas rentrer à pieds. Vous avez fait preuve d’un grand courage et vous avez mon éternelle admiration. » Pendant qu’il parlait, il n’arrêtait pas de regarder Anděla en clignant des yeux, mais elle ne le voyait pas. Je pense qu’elle ne voyait rien du tout.

« Vladimír, emportons cet os, au moins, il nous a demandé pas mal de travail », j’ai dit. Vladimír a encore eu l’air renfrogné.

« Sinon, les agents de la Sécurité ne te croiront même pas, m’a soutenu Secký. Et, franchement, on aurait très bien pu n’en avoir rien à faire de cette histoire.

– Bon, d’accord, a fini par dire Vladimír. Donnez-moi ça. »

Il a pris l’os, sa bouteille de bière et on est partis.

À Ničín, je suis allée tout droit à la droguerie de la place, j’ai acheté un après-rasage « Pitralon » à dix couronnes pour Pepa et, en plus, il me restait assez d’argent pour lui prendre des lames de rasoir « Astra », à cinq couronnes. Pendant que je faisais la queue à la caisse, j’ai vu Vladimír et Anděla devant la boutique. Ils rigolaient et se faisaient des bisous. Tout d’un coup, Vladimír a ouvert sa gibecière, a sorti l’os de partisan et il l’a jeté à la poubelle. Après, ils sont partis. Je suis sortie, j’ai regardé très prudemment autour de moi, pour être sûre que personne ne me voyait, et puis j’ai sorti l’os très vite. Je l’ai caché dans ma musette, mais il était tellement long qu’il y avait un bout qui dépassait. Il me fallait le cacher avec mon bras et faire comme si de rien n’était.

À côté du théâtre, j’ai rencontré Berenčičová. Elle m’a crié : « Salut Helka ! Où est-ce que tu vas avec cet os de porc ? C’est le cadeau d’anniversaire de Pepa ?

– C’est pas un os de porc, c’est un os de partisan », j’ai dit. Elle m’énervait pas mal, Berenčičová. « Oh, hé… on me la fait pas, hein ! Je suis de la campagne. Au fait, je vais passer moi aussi ce soir, mais après la répétition, tu roupilleras depuis longtemps. Allez, ciao ! » Elle est gonflée, celle-là. On ne lui a jamais demandé de venir chez nous. Oui, bon, mais… si elle avait raison ? Ça me chiffonnait quand même. Et puis je n’avais pas du tout envie que tout le monde se moque de moi. Pour être sûre, j’ai caché mon partisan dans le buisson devant chez nous et je suis allée manger des gâteaux. (…)

 

Traduit par Eurydice Antolin

eurydice.ant@gmail.com

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1. Littéralement « Je désire ». N.D.T.
2. Jeu de mots : « s’y brûler ». N.D.T.