Série télé – épisode 4 : les cyclistes de village

On le voit de loin, debout. Notre client. Boudiné dans son pantalon comme une saucisse dans sa peau, mais sous le soleil ça ne risque pas de gâcher notre trajet ni notre bonne humeur. Du reste l’histoire de l’autre femme avec ses vacances à la mer qui n’en ont pas été, ce qu’elle sait très bien vu qu’elle n’avait qu’un jour par semaine pour elle, commence à m’ennuyer sérieusement. Pognon en main, et en avant. A la vue du gros plein de soupe, mon vagin se dessèche comme la gorge d’un orateur avant son discours, en tout cas c’est mon impression, parce que sur un vélo, avec la selle sous les fesses, on ne reconnait pas vraiment ce qui se trame là en bas. Mais il se calme, clairement, et la crème l’aidera à moins penser à lui.

J’imagine que les gens voyagent pour se sentir plus jeunes, ai-je encore le temps de me dire avant de mettre pied à terre et qu’avec l’autre femme on tende la main au client, parce que pendant un voyage en train ou en bus, derrière l’horizon il y a toujours un nouvel horizon finaud et tout ça sans fin, comme la vie qui s’offre quand on a dix-sept ans ou vingt-deux et qu’on est en phase avec la jeunesse. Quand je roule à vélo, je me sens un peu comme ça, mais dès que j’ai mis pied à terre devant le gros plein de soupe, c’est fini, et je vois ma trentaine partout bien qu’elle ne soit inscrite que sur ma maison en numéro de rue et rien de plus.

 

Il y a un instant, quand mes cheveux flottaient au vent, l’âge, je m’en tapais. Le vent aussi est un rajeunissant. A contrevent il lisse mieux le visage que n’importe quelle crème et la mode, qui consisterait chez les dames sur le retour à se déplacer avec un ventilateur portable pour tirer en arrière leur joues rebondies et relâchées et rendre leur cheveux flottants, car un mouvement trépidant provoque tout bonnement cette impression, cette mode n’a certainement pas été brevetée et les fabricants de piles aussi seraient contents car l’appareil fonctionnerait sur quatre piles bâton et avec le temps, on y adjoindrait d’autres accessoires pour dames comme des épilateurs et des sèche-cheveux avec fer à friser, à la façon des gros couteaux suisses à cinq lames qui s‘enflaient et avalaient goulûment des outils autrefois indépendants, et dont le poids déchirait les poches.

Mais le ventilateur portable pour dames ne serait pas aussi vorace car si les dames d’âge avancé entassaient dans leur trousse d’urgence post-ménopause farcie de chemisiers un ventilateur en supplément accompagné de ses nombreux accessoires, cela gênerait les hommes qui circulent les mains libres dans le trafic urbain. A tous les coins de rue, l’une d’elle reprendrait son souffle et tournée vers la façade changerait de chemisier, tandis qu‘une autre, se rendant à une rencontre importante, se ventilerait le visage juste devant le bâtiment de son rendez-vous, car l’inconvénient du ventilateur serait que le visage lissé par l’air se replisserait en un rien de temps si bien qu’il faudrait ventiler en ne ménageant que quelques courtes pauses pour le travail, en conséquence de quoi le rendement de la population féminine chuterait grandement et il faudrait encore sacrifier du temps à l’hydratation de la peau, car l’air la dessèche, et pendant tout ce temps-là le trafic urbain serait paralysé par ces dames occupées à se pomponner et les hommes se mettraient à rouspéter en disant qu’ils préféraient les vieilles moches à ces éternelles accaparées d’elles-mêmes qui créent des bouchons, et je pense que beaucoup de femmes crédules y croiraient mais je suppose que personne, par des visites plus fréquentes, ne récompenserait leurs vagins pour leur obéissance.

Notre client, le gros plein de soupe, quand il m’a chargée d’amener une deuxième femme à notre prochaine partie de jambes en l’air, a insisté sur la limite d’âge. Et je ne parle même pas des clients spéciaux. Quand ils ne sont pas violents ou demandeurs de violence sur eux-mêmes, ils ont en général un trouble du jugement en ce qui concerne l’âge de la propriétaire, ou plutôt de la très jeune propriétaire du vagin, car en effet le groupe d’âge après lequel en ont ces clients spéciaux a le bas-ventre à peine duveté, comme un poussin tout juste éclos, à cette différence près qu’au contraire des toupets humides des poussins, la touffe de ces jeunes filles, à de rares exceptions près, reste désespérément sèche et que ça ne marche pas sans lubrification, vu que le ratissage de l’allée, comme l’autre femme appelle la baise, les intéresse autant qu‘un cours de maths, sauf que quand elles sèchent leur cours, elles ont la fessée de leur papounet tandis que c’est justement quand elles se présentent que le grand papou-tonton qui les a réservées pour tringler leur donne la fessée car où est-ce qu’il irait en chercher d’autres, pour autant que ce ne soit pas un client spécial à la puissance n qui attrape des petites filles pour les astiquer dans les buissons, mais on sort là de la sphère des services sexuels réglementés et on saute jambes tendues dans le milieu du crime, fût-il non organisé.

Si une chose de ce genre se produisait dans mon entourage, je ne soulagerais pas la queue parfaitement réglo de l’enquêteur de police qui compte par ailleurs parmi mes clients préférés, tant que la police n’aurait pas résolu l‘affaire et coffré le violeur spécial.

Mais après je fournirais volontiers à cet enquêteur, et à l’oeil, deux rapports anaux que je pratique sinon à contrecoeur, comme il le sait, et à un prix scandaleusement exagéré, ce qui éloigne la plupart des clients de cette activité fétiche tandis que de rares autres, c’est ce qu’ils disent, ne jouiraient pas si bien sans la pile de billets durement gagnés qui doit être sacrifiée à la cause, et en ce qui me concerne, à ce prix-là, je me lubrifie et je me mets à l’équerre.

 

Il y a des hommes que ce qui excite le plus, c’est justement le fait de payer, mais la majorité n’aime pas ça. Et après, on dira que les hommes forment un groupe homogène alors qu’ils ne sont même pas capables de s’entendre sur une question aussi élémentaire que le rapport à l’argent. Et à toutes leurs bonnes femmes abonnées au psy qui parlent de fatuité masculine, de manque d’amabilité et de priorité à la télé plutôt qu’à des séances d’ajustage des corps, analyse à laquelle elles attribuent la perte de l’entente réciproque, puisqu’elles se préoccupent tant de bien-être tout en essuyant leurs yeux larmoyants en mal d‘excuses pour la moindre injustice, je leur conseillerais de graisser avec abnégation, non les rouages du petit moteur familial, mais bien plutôt leur con et de ne pas économiser non plus sur la crème à gâteaux, car en dépit de toutes les différences entre clients, les hommes aiment sans exception manger et baiser et leur parler sans fin de leur embonpoint ou de sa migraine avant la soirée est le meilleur moyen de les propulser hors du nid familial sur l’orbite des retards chroniques qui peuvent s’expliquer, eh oui, par la fréquentation de baisodromes, et c’est là que la ménagère pourra pleurer la paye.

Car quelquefois, je parle aussi avec les hommes, même si je déteste virer à la consultation psy, mais il faut dire que toutes ces bonnes femmes amatrices de psys feraient mieux de la fermer plus souvent et de se consacrer à la cuisine, au bureau ou à la collecte de trilobites et de prendre les choses comme elles sont.

Je ne dis pas que ce soit absolument toujours possible. Par exemple la femme du gros plein de soupe qui nous mate en train de nous entre-mordiller les tétons avec l’autre fille pour mieux se mettre en train vu que son pétard est du genre super paresseux, elle passerait sûrement ce début de soirée à chialer abondamment et arriverait ensuite au travail avec le nez rouge comme une betterave. Mais, je m’excuse, tout ça sort de mes compétences et de ma responsabilité, parce que dans cette histoire tout le monde a plus de dix-huit ans et si j’en parle, c’est que ma responsabilité pèse lourd vis-à-vis des gamines à peine duveteuses que les clients réclament quelquefois, et je ne me gêne pas pour engueuler même un homme attirant quand il me réclame un contact téléphonique pour une prestation avec des mineures.

La conséquence de ma responsabilité vis-à-vis des jeunes est que je dois sans cesse me rajeunir. D’abord pour que le flux en direction de ma carte de crédit en relief ne se tarisse pas, ensuite parce qu’une trentenaire fraîche et pimpante amenuise un peu le désir torride pour une gamine de quatorze ans. En prenant soin de moi, je protège ces jeunes filles d’un ramonage précoce, même si la vérité est que la majorité du cortège d‘amateurs de chattes d’enfants ignore complètement la mienne et que la plus souple des chattes trentenaires, comédienne pleine d’as dans la manche, a du mal à jouer de façon convaincante une ado de quatorze ans.

Pour que ça marche, il faut que ce soit un client à principes flexibles que ma duperie amuse et pendant qu’il fantasme en dehors des cadres de la loi, il s’y tient quand même en même temps qu’il s’agrippe à mon cul qu’il ramone à fond de train, et on peut avoir tous les deux l’impression que notre numéro prolonge quelque part sa période d’expérimentation mignonnette à une petite fille dont la réalisation la plus téméraire a été un baiser sur la bouche raté avec un garçon de la classe d’à côté, qu’elle raconte le soir en chuchotant à l’oreille de son ours en peluche. Autrement dit, je dois m’efforcer que ma posture de sauveteuse de la jeunesse ne soit pas simple frime ampoulée qui ne me coûte rien vu que je peux ignorer des manœuvres que je ne vois pas, mais qu’elle ait une retombée réelle, et c’est un sauvetage en comparaison duquel un saint-bernard de secours en montagne qui passe des journées entières à se trimballer au milieu des congères avec un demi-litre de rhum autour du cou pour rafraîchir des skieurs écervelés qui l’attendent sous l’avalanche, n’est qu’un toutou en convalescence après une intervention cardiaque. Le vélo, c’est du pipeau.

Regardez les vieilles en foulard qui écument les hameaux tchèques les plus paumés sur leurs bécanes. Dans leur vie, ces cyclistes de village ont parcouru plus de kilomètres que ne peut rêver d’en aligner un forcené du vélo en tenue aérodynamique, monté sur un VTT tout bichonné, et en plus pendant tout ce temps des sacs à commissions ont bringuebalé à leur guidon, et leur porte-bagage débordait de poires et de bocaux de confiture de framboise, et pourtant leurs silhouettes ne sont pas sportives ni la plupart du temps plus jeunes qu’elles ne comptent d’années. On peut bien sûr ajouter ce thème supplémentaire à la série télé des bons plans et je dois dire que j’ai du plaisir à me consacrer à quelque chose de façon aussi systématique, mais ça n’est pas une méthode pour ressembler à une ado de quatorze ans et la sauver du vilain tonton-papou, pas même si on empruntait pour les besoins de la série quelques biclous authentiques au musée de la technique.

Personne ne retire à ces femmes leur record en distance parcourue, mais on dirait plutôt qu’elles ont mangé des kilos de ces confitures de framboises qui trônent sur leur porte-bagage.

En bref, ni le vélo, ni la gymnastique au sol ne sauvent la situation, bien qu’ils représentent des compléments nécessaires. Qui veut avoir l’air baisable, et elles le veulent toutes, ne peut pas se dispenser d’un entretien de ce genre, même sans s’être imaginé un but aussi exigeant et une idée aussi utile à la société que de donner l’impression d’avoir quatorze ans.

Et voilà qu’on finit là où j’ai toujours fini jusqu’à présent. A bout d’idées hormis la combinaison éprouvée des couettes, fossettes, uniforme d’écolière à jupe courte et chaussettes hautes, et surtout pubis rasé à blanc, et basta.

C’est exactement ce que voulait le gros plein de soupe qui nous attendait devant la maison par ce jour ensoleillé, l’autre fille et moi, et on a préparé notre métamorphose en ados de quatorze ans sous ses yeux, il voulait y assister, pourquoi pas.

 

Au laboratoire de biologie

En général j’ai prévu mon allure à l’avance en fonction des instructions du client, ou alors j’ai la tenue universelle, c’est vrai, c’est lassant, bottes pointues, soutien-gorge en dentelle à armature rigide et chemiser collant dont s’échappent les nichons, après je me contente de me planter sur le canapé en zappant ou en feuilletant un petit bouquin et quand ça sonne, je m’enduis à toute vitesse les lèvres de rouge et je jette un œil à mon rimmel et mon ombre à paupières. La plupart du temps je suis déjà chauffée à l’avance pour que ça mouille direct et qu’on reconnaisse tout de suite le professionnalisme qui fait que les hommes montent dans des appartements et paient des suppléments plutôt que de lever sur le trottoir une pute qui va pourrir leur bagnole avec ses clopes bon marché et se répandre en propos grossiers sans y avoir été invitée par le client et qui va se ruer sur les billets et les fourrer dans sa botte.

Mes clients ont quand même une autre classe et ils sont heureux de payer pour la retrouver, si bien que même les plus horribles de mes abonnés sont encore la crème de la vermine des baiseurs de putes, donc je m’efforce de leur offrir quelque chose de crémeux aussi et ça commence par ma parfaite précision qui fait qu’à l’instant où un client sonne à la porte, je suis déjà en mode sourire, en tenue sex-shop lavée et sans taches de sperme, alors que les filles des bords de route en ont jusque sur leurs chaussures et quelquefois même sur la fermeture éclair de leur jupe en jean.

Un jour, pour voir, freinez et jetez un œil, ces filles n’ont pas la classe, ou simplement pas les moyens. Je parle de celles qui rincent leurs dessous dans une bassine mais le sperme est tellement imprégné que les taches des éjaculations sont incrustées dans le tissu, et c’est vraiment à gerber.

Je voulais dire que notre impréparation pour le gros plein de soupe qui nous attendait devant la maison, l’autre fille et moi , était une exception, et délibérée parce qu’il avait demandé en aphrodisiaque le matage de notre rajeunissement et même sans ça, quand le client ordonne que le pubis soit lisse comme celui d’une gamine, je le rase à la toute dernière minute, quand l’homme est déjà quasi à la porte vu que le poil pousse nonstop, au même rythme que le temps, autrement dit vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et en fait ça se voit encore plus que le vieillissement, et encore pire, quand je sens au toucher, minute après minute, ma chatte rasée se transformer en toile émeri, déguisée médiocrement en gamine de quatorze ans, je remonte lentement vers la trentaine, or les clients qui voudraient une petite fille et qui ne se rabattent sur moi que par peur, principes et bonne volonté n’ont aucun intérêt pour une trentenaire canon standard.

En fait on a tout tenté pour convaincre le gros plein de soupe de notre jouvence. Quand on a enfilé nos jupettes, il a retiré son pantalon. On remontait nos fermetures qu’il baissait la sienne, au même moment exactement, dans une synchronisation parfaite, et toutes les deux on s’est regardées parce que ça valait un oscar dans la catégorie putes et c’est aussi à ça qu’on a vu que le gros plein de soupe avait des heures de vol.

 

Je ne dirais pas, comme le font souvent les hommes avec lesquels je discute de tout autre chose avant ou après, que mon travail est mon violon d’Ingres, mais ce genre de sentiment de satisfaction quand tout va comme dans du beurre, je le connais et avec le gros plein de soupe ça a démarré comme sur des roulettes, un vrai plaisir. Je ne veux pas dire qu’il ait éjaculé en une minute et qu’on ait eu la paix avec l’autre fille et qu’on ait pu passer le reste de l’heure à papoter pendant que le gros plein de soupe aurait pris un bain pour se préparer un petit peu à rentrer chez lui. Non. Je veux dire qu’on a déroulé notre numéro et que sa queue nous a suivies. Ça lui plaisait, voilà tout, ça lui plaisait à sa queue, elle a attrapé la vague et dans la minute son nœud se dressait et le gros plein de soupe n’a même pas eu besoin d’amorcer manuellement la pompe.

L’autre fille et moi on était des écolières grivoises que quelqu’un avait enfermées par erreur dans le labo de biologie et qui s’étaient rapprochées pendant la nuit interminable qu’elles avaient dû passer là. Quand on avait inventé le scénario et qu’on s’était même donné rendez-vous dans mon bistrot préféré à l’intérieur d’une galerie marchande, l’autre fille avait proposé qu’on n’ait pas été enfermées par erreur, mais par une malice délibérée du professeur de biologie qu’elle avait aussitôt commencé, je ne sais pas pourquoi, à appeler Kroupa, lequel s’était mis en tête de mettre les filles sous clé afin de les aider à découvrir leurs petits corps en plein épanouissement, et qui se réjouissait aussi un tantinet pour lui-même, en prime.

D’après l’autre fille, Kroupa devait être une espèce de guide pour les gamines, un frangin plus âgé qu’elles pourraient tout de suite tirer par la queue, laquelle commencerait à se dresser justement en raison de leurs tiraillements malhabiles et provoquerait l’étonnement sincère des petites à la vue de la chose énorme qui se produisait sous la bedaine du professeur, et cet étonnement réchaufferait le brave Kroupa aux bons endroits, et la fin de la nuit verrait même la déchirure des hymens. Quand elles découvriraient qu’elles avaient un œil de cyclope si profond, les petites seraient encore plus surprises que la grande queue se cache tout entière dedans en un clin d’œil, ça ferait bien un tout petit peu mal, mais tout de suite après les petites se remettraient à ronronner, puis elles gémiraient puis elles se mettraient à mouiller comme de vraies putes dans les fantasmes du gros plein de soupe, qui saurait aussi bien que nous qu’ils étaient truqués, car jamais une pute ne mouille avec un client, mais on peut toujours y jouer, si ça lui fait plaisir. Le principal est qu’il tolère que je m’enduise la chatte pendant la pause, et je ne suis pas fan de ça, mais sans ça elle serait sèche comme une mèche d’amadou, et la plupart du temps la lubrification ne gêne pas les clients, certains même aiment bien mettre la main à la pâte.

 

Traduit par Marianne Canavaggio